Evangélisation de l'Amérique hispanique

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                                               Abrégé n°3 : LES INQUISITIONS

 

                                              

 

Annexe : bibliographie de Dumont

 

 

Introduction[1]

 

                        Pourquoi ce pluriel? Parce que vouloir parler de l’Inquisition, au singulier et avec majuscule, c’est se condamner par avance à une apparence de synthèse. Et les préjugés qui, chez beaucoup d’historiens, inspirent des jugements sans nuances, viennent précisément en grande partie de ce singulier  qui conduit à généraliser à toute l’histoire ce qui n’a été qu’un cas bien délimité dans le temps et dans l’espace.

                        Car il y a eu des inquisitions différentes suivant les pays, les époques et l’organisation, sans oublier peut-être le point  plus important, qui est le but poursuivi par chacune de ces inquisitions, différent lui aussi dans le temps et l’espace. Aussi n’y a-t-il jamais eu de corps de doctrine générale d’Eglise pour une «  Inquisition » inexistante, en tant qu’institution unique.

                        La première inquisition, créée par l’Eglise au XIIIéme siècle pour essayer de mettre un terme à la tyrannie de l’hérésie cathare en Languedoc a certes inspiré l’inquisition espagnole,  mais celle-ci est instituée au XVéme siècle pour enrayer une véritable guerre civile entre chrétiens d’origine ancienne et convertis récents d’origine juive. Peut-on comparer ces deux inquisitions, confiées par Rome à de grands ordres religieux, à l’inquisition manipulée par l’autorité royale de Philippe le Bel pour accuser faussement d’hérésie l’Ordre des Templiers ? Le même mot d’inquisition ne suffit pas pour rendre compte objectivement des unes et de l’autre, même si officiellement il y a intervention d’une inquisition, comme d’ailleurs plus tard dans le procès de Jeanne d’Arc. Il s’agit d’inquisitions décentralisées au niveau diocèses le plus souvent. Donc très vulnérables à la pression des autorités laïques de niveau national

Par ailleurs, nous chercherons à éviter l’anachronisme. Nous n’oublierons pas que :

 -l’Europe est alors entièrement chrétienne bien que des minorités juives et musulmanes y existent. Les inquisitions n’ont en effet jamais eu comme but de convertir à la foi chrétienne mais de combattre les hérésies professées par des chrétiens, et d’abord par la prédication. La contrainte n’est mise en œuvre que pour sauver la société de maux insupportables pour n’importe quelle société humaine, même non chrétienne.

-l’Eglise, dans ses clercs, n’a pas les moyens coercitifs matériels de forces armées. Elle refuse que ces clercs portent les armes. Elle est impuissante matériellement, en tant que telle, devant la violence, et elle en est souvent victime quand les autorités politiques font passer, avant les obligations de leur foi chrétienne, des intérêts particuliers aux dépens du bien commun de la société dont elles ont la charge.

-ces autorités politiques chrétiennes, en revanche, ne peuvent pas toujours se résigner à attendre que l’Eglise, soucieuse de compréhension et de charité, leur donne un feu vert pour réagir contre les conséquences désastreuses de certaines idées traduites en actions violentes. Surtout quand sont mises en cause la vie et les biens des hommes et femmes dont elles ont la charge d’assurer la protection et la sécurité.[2]

-enfin  la foi chrétienne de l’époque est inséparable de la conviction de sa nécessité pour obtenir le salut éternel ; d’où le zèle montré par le clergé, dans les périodes de renouveau surtout, à combattre l’hérésie, susceptible de conduire à une damnation éternelle. D’où aussi, en même temps, un zèle missionnaire impressionnant, comme celui d’un François Xavier, parcourant  toute l’Asie et baptisant sans arrêt, en Inde et au Japon, pour mourir au seuil de la Chine. Les « infidèles » aussi ne pouvaient être sauvés que par le Christ. Même conviction chez les missionnaires franciscains, dominicains et jésuites vis-à-vis des Indiens d’Amérique. Et faut il rappeler le martyre des jésuites au Canada, au début du XVII éme siècle ? Baptisés dans le Christ, les hérétiques étaient donc bien davantage encore menacés de perdre leur âme. On risque de ne pas comprendre nos ancêtres dans la foi si on oublie précisément qu’ils étaient profondément cohérents avec leurs convictions.[3]

            Nous suivrons pour notre présentation un ordre chronologique avec d’abord l’inquisition en Languedoc et Aragon au XIIIéme siècle, et les dérives et déviations qui les suivirent ailleurs , en France essentiellement. Dans une deuxième partie, nous irons en Espagne au XVéme siècle. Enfin nous dirons les errements de l’inquisition romaine, instituée au XVIéme siècle, à propos de l’affaire « Galilée », avant de conclure, en espérant avoir donné au lecteur une image équitable d institutions souvent accusées de méfaits dont elles ne portent pas la responsabilité et souvent oubliées quant aux bienfaits qu’elles ont apportés à leur époque.

 

Première partie :l’inquisition en Languedoc et Aragon, les nécessités de sa création, sa mise en oeuvre, les résultats et les principales dérives ultérieures.

 

11-le manichèisme

            Né en Perse au IIIéme siècle ap.J.C , fondé par Mani, gnostique issu du judéo christianisme baptiste, il va beaucoup plus loin que le mazdéisme, religion perse qui a une haute conscience du Bien et du Mal. Il professe en effet un dualisme absolu entre la matière, mauvaise, et l’esprit humain qui doit tout faire pour s’en dégager. Une des conséquences pratiques est le refus de la procréation qui engendre de la matière. Les « élus »gardent la chasteté absolue et sont entretenus par les fidèles non astreints à la chasteté.

            Dès son apparition en Perse, le souverain fait mettre en prison Mani qui y décédera.

Les empereurs romains, les uns après les autres, y compris Dioclétien, persécuteur des chrétiens, sont impitoyables, de même que les empereurs byzantins, et les rois de Bulgarie et de Serbie. Ainsi refoulé de l’est, le manichéisme arrive en Occident.

            En 1017, Robert le Pieux, roi de France, fait mettre à mort des chanoines d’Orléans, convaincus de manichéisme, alors que certains d’entre eux sont ses amis ; car, nous dit Glaber, son chroniqueur,  « il appréhende de leurs doctrines à la fois la ruine de la patrie et la mort des âmes ». Il s’agit donc d’un mal social autant que religieux, qu’aucun Etat, de religion dualiste, polythéiste ou chrétienne n’avait accepté.

 

12-En Languedoc[4],le terrain est préparé.

            Dès la fin des années 1000, le prince poète Guillaume IX d’Aquitaine ouvre la voie à la dissociation de l’amour chrétien dans le mariage d’avec un amour purement érotique :  « une dame qui couche avec un véritable amoureux est purifiée de tous péchés » confirme l’anonyme auteur du « Bréviaire d’amour ».[5]

            Autre dissociation, celle des valeurs chrétiennes dans la vie économique d’avec les lois du marché, dirions-nous aujourd’hui. Or nous sommes au début d’une ère de vigoureuse expansion économique, appuyée sur une forte activité d’échanges commerciaux entre régions d’Europe. Les marchands supportent difficilement les prescriptions de l’Eglise en matière d’usure et de juste prix.

            Enfin, contrairement aux royaumes de France et de Castille, où naissent et se développent de véritables structures d’Etat, en région occitane la noblesse n’est pas contrôlée et elle est vite tentée par la perspective de pouvoir mettre la main sur les biens du clergé, -dont il faut rappeler qu’ils fournissent les moyens d’une assistance sociale aux plus pauvres- dans la mesure où la population ne défendrait plus l’Eglise. Or les mœurs du clergé laissent à désirer.

Une contestation ecclésiale se fait jour, sans d’ailleurs que la très grande majorité du peuple mette en balance sa foi catholique, mais son zèle religieux s’affaiblit en fonction de la conduite d’un certain clergé.

 

13-le catharisme et son développement dans la région du Languedoc et du « Roussillon »

            Les marchands lombards semblent avoir été les premiers à répandre le manichéisme venu de l’est et ce sera la version dite « cathare »( katharos :mot grec voulant dire  «  pur » ).

Le monde de la chair étant création de l’Esprit mauvais, toute incarnation est mauvaise. Le Christ Dieu n’avait pas pu être homme et les vrais croyants  ne peuvent être que des « purs », des parfaits, sans compromission avec la chair. La procréation devient un crime et l’homme doit se libérer du monde et de la chair pour retourner à Dieu. Suicide collectif donc, complété par le suicide individuel de l’enduro, qui consiste à se laisser mourir ou à se tuer délibérément, mais après avoir reçu l’imposition du consolamentum, sorte d’étole portée par les parfaits, qui transmet l’initiation définitive avant la mort. La vie des parfaits apparaissait très désintéressée, au regard de celle du clergé  et leur conférait un grand prestige.

            Mais comme le fait remarquer Mr Chelini[6], le catharisme aboutit à une religion à deux étages avec liberté totale de vie et de mœurs pour les fidèles sauvés par le « consolamentum » à condition seulement de ne pas procréer. La licence des mœurs en est grandement encouragée, car il est pire, disent les parfaits « de connaître charnellement son épouse que toute autre femme ». Si toutefois un enfant risque de survenir, il faut tout faire pour s’en débarrasser.

Refusant aussi le serment, base essentielle de la société féodale, car il fait cautionner par Dieu ce monde satanique, le catharisme était à la fois l’anti-société et l’auto génocide.

            Ailleurs les chefs d’Etat n’avaient pas tergiversé,comme nous l’avons vu. Nous le verrons encore. L’Eglise va hésiter longtemps ( près d’un siècle ) préférant la prédication et la libre adhésion aux valeurs qu’elle défend, pour les personnes mais aussi pour les sociétés.[7]Ce fut  sa seule arme du début du 12éme siècle au début du 13éme alors que le clergé était ou peu zélé ou même converti à l’hérésie.

            A l’appel du Pape, St Bernard vint prêcher lui-même, mais son éloquence et son zèle restent impuissants. Sa description de la vie religieuse en pays occitan est très impressionnante :  « tout ou presque tout est à l’abandon : en résumé, des chrétiens sans Christ ».

Constat identique du Comte de Toulouse, Raymond V, à la fin du siècle :  « l’hérésie a pénétré partout………….je n’ose, ni ne puis réprimer le mal ».

 

14-la croisade dite des  « Albigeois »

            Partout ailleurs, se multiplient de violentes répressions laïques et le roi de France Louis VII fait remarquer au Pape Alexandre II, qui prônait l’indulgence : « …..les manichéens sont beaucoup plus mauvais qu’il ne paraît » et il avertit son interlocuteur qu’il risque de déchaîner  contre l’Eglise romaine les violents reproches de l’opinion. Aussi le pape convoque un Concile à Tours. La forte participation à cette réunion montre bien que la répression est une revendication sociale et non d’Eglise.[8]

            En Angleterre, Henri II Plantagenet agit de sa propre initiative et arrête net le manichéisme. Il s’entend avec Louis VII sur le principe d’une expédition en Languedoc pour la prédication ou l’utilisation des armes, si nécessaire. Alors seulement (1179 ) le Concile du Latran accepte une croisade et accorde l’indulgence aux croisés pendant deux ans.

Philippe Auguste, successeur de son père Louis VII, fait condamner au bûcher les manichéens de son royaume, mais ne s’engage pas en croisade. L’empereur Frédéric Barberousse prend le relais dans la répression et insiste auprès du Pape pour que celui-ci engage l’Eglise. En 1194, la Constitution de Verone institue l’inquisition. Mais elle est confiée aux évêques, chargés de dépister les hérétiques, et qui ne devront les livrer à la puissance laïque que s’ils reviennent à leurs erreurs après avoir prêté serment de vivre en bons catholiques.

            Or en Languedoc, le clergé est soit impuissant, soit lui-même hérétique, y compris des évêques. Quant à la noblesse, elle protége l’hérésie, l’exemple venant du nouveau Comte de Toulouse, Raymond VI lui-même, qui ne se déplace qu’accompagné d’un parfait pour,  en cas de besoin,  recevoir le « consolamentum ».

            Les catholiques, qui restent la très grande majorité, sont abandonnés à l’oppression cathare. Un peu partout, les prêtres fidèles sont molestés ou même massacrés. Eglises et abbayes tombent au pouvoir de la noblesse cathare qui, les ayant dépouillées, les offrent aux parfaits.

            Et l’Eglise tergiverse toujours. En 1198,Innocent III délègue une nouvelle mission aux cisterciens, sous la direction d’un légat, Pierre de Castelnau. Leurs prédications n’ont pas de succès et les pouvoirs laïques locaux font la sourde oreille à leurs demandes de concours.

Alors que partout le peuple catholique fidèle est persécuté par les cathares, minoritaires mais qui dominent dans les élites, les légats du Pape proposent un débat contradictoire en 1204 à Carcassonne dont l’évêque est cathare. Echec toujours.

 Le catharisme est devenu un bloc par la multiplicité des réseaux adhérents et sympathisants dans la classe dirigeante, noblesse et clergé, sans compter une certaine bourgeoisie. Devant le découragement du légat, le pape fait appel à Philippe Auguste et aux grands seigneurs du nord, mais encore une fois sans succès.

L’arrivée de l’évêque castillan d’Osma avec un de ses chanoines, le futur St Dominique, permet une relance de la prédication. Tous deux abandonnent leurs équipages, leurs riches vêtements et leur argent, voulant battre les « parfaits » sur le terrain de la simplicité ascétique. Petit à petit, leur renommée s’étend et ils obtiennent quelques succès, mais insuffisants, le catharisme restant peu entamé. Le mal est trop profond et solidement protégé par l’engagement hérétique des élites ou leur neutralité bienveillante : la prédication ne peut l’emporter dans ces conditions où la violence physique des hérétiques terrorise la population restée catholique.

            L’assassinat du légat P.de Castelnau par un homme du comte de Toulouse amène le Pape à relever ses vassaux de tout lien d’obéissance et à demander une fois encore la croisade.
Malgré l’abstention de Philippe Auguste, elle aura lieu sous la direction d’un petit seigneur, Simon de Montfort. Cette expédition donna lieu à des excès (massacres à Béziers ) mais elle atteignit ses objectifs, libérer, au moins provisoirement, la région de l’emprise physique des hérétiques.[9]

            Car, comme Mr Le Roy Ladurie le remarque, elle trouva l’appui de la population, restée catholique et qui vécut cette croisade comme une libération. Cet auteur, bien connu pour son étude approfondie de Montaillou, village occitan, souligne, entre autres, la répugnance instinctive des femmes vis-à-vis du catharisme, particulièrement sur la question de l’avortement. S’appuyant sur les archives, il donne l’exemple à Montaillou d’une femme enceinte, luttant contre la pression des cathares, qui exigent qu’elle se fasse avorter.[10]

            Autres constatations vérifiées aussi par les documents d’époque, il n’y eut aucune expropriation foncière générale, sauf exceptions négligeables. Pas davantage d’expropriation culturelle, sous forme d’imposition de la langue française, dont l’usage se généralisa de façon naturelle et très progressive. Bien plus  le pape offrit à Toulouse la fondation d’une université,  à l’image de la Sorbonne, récemment créée.

            Mais la mort de Simon de Montfort donna au comte de Toulouse la possibilité dès 1217 de regagner tout le terrain perdu et au catharisme de reprendre ses persécutions. Cette fois, Philippe Auguste envoie une armée commandée par le futur Louis VIII qui consacrera la fin de son propre règne ( 1223-1226 ) à terminer cette croisade. Le traité de Paris ( 1229 ) oblige le nouveau comte de Toulouse ( depuis 1222 ) Raymond VII à céder à sa mort ses Etats au roi de France et à prêter  son concours à la recherche et à la punition des hérétiques endurcis.

Toutefois l’inquisition demeurait épiscopale et le pouvoir laïque s’interdisait toute répression directe ( Concile de Toulouse,1229 ).Il y avait de la part de l’Eglise une volonté claire d’éviter le traitement massif, brutal et donc forcément aveugle de l’hérésie, mis en œuvre dans les pays du nord.

 

15-l’inquisition « languedocienne[11]

151-elle est d’abord prédication[12]

            St Dominique s’était mis de son vivant ( il mourut en 1221 ) à la disposition des légats pour présider un tribunal ecclésiastique sans qu’il y eut encore de sanctions telles que la prison et le bûcher. Mais il avait  fondé l’ordre qui porte son nom et obtenu son approbation officielle par Rome en 1216. Il s’était entouré de ses frères dominicains au tribunal précité.

Ce ne fut qu’en 1233 que le pape donne mandat au nouveau provincial des dominicains de désigner des religieux chargés de « l’affaire de la foi ». Et en 1235, le pape associe les franciscains, tout récemment fondés eux aussi, à cette inquisition. Loin d’être d’abord une entreprise de police et de répression, l’inquisition mettait en ligne les deux ordres mendiants qui venaient de naître. Ils rassemblaient les meilleurs de la jeunesse chrétienne dans un esprit de pauvreté et de charité.

L’inquisition provenait de la fraternité et s’appuyait sur une culture chrétienne indispensable pour les besoins de l’apostolat, matérialisé par une prédication générale. Celle ci était parole d’hommes vivant l’évangile de façon exemplaire par leur ascétisme et leur charité à l’exemple de Dominique et François, fondateurs des ordres auxquels ils appartenaient.

            Donc cette prédication est d’emblée massive, incessante, omniprésente. Comme l’écrit Mr Le Roy Ladurie, ce « clergé prédicailleur embrase les consciences »[13]. Il effectue une remise à niveau spirituelle des populations, notamment par la mise en place d’un  «  quadrillage de confréries », vouées généralement au Saint Sacrement et prenant en charge les besoins sociaux ( hôpitaux, maladreries…), l’assistance aux mourants et la prière pour les morts. Les moines mendiants confessent « à tour de bras », avec mise en œuvre pour la première fois du confessionnal. Ils redonnent au peuple le goût et l’habitude d’une vie chrétienne régulière et complète. Le catharisme est bientôt asphyxié et ne subsistent plus que quelques noyaux réduits eux-mêmes par un corps spécialisé d’inquisiteurs avec deux quartiers généraux, à Toulouse et Carcassonne, les deux capitales de l’hérésie.

 

152-elle est ensuite justice adaptée à son milieu

                        a) ses codes et leur mise en oeuvre

            Ils sont définis progressivement par des conciles locaux avec participation de laïcs (Toulouse 1229-Narbonne 1235-Béziers 1246 ) et réglementent la procédure inquisitoriale, tandis que les inquisiteurs en précisent la mise en œuvre à partir de leur expérience.

            Nous connaissons plusieurs de ces Directoires ou Pratiques qui inspireront deux siècles plus tard l’inquisition espagnole, sans qu’il y ait copie pure et simple, mais adaptation à un milieu et une époque différents. Mais le fait que ce soient des grands ordres religieux qui assument les responsabilités facilitait la transmission de l’expérience acquise.

Nous trouvons donc pour l’inquisition languedocienne le manuel de G.Raymond (1250), celui de Raymond de Penafort pour l’Aragon, la Pratique de Bernard Gui (1320). Le plus complet étant le Directoire de Nicolas Aymeric, en Aragon (1376). De fait, il n’y aura jamais de théorie d’Eglise de portée universelle.[14]

            Mais cette inquisition invente les jurys, composés à partir de personnalités de la société locale, confirmation d’un besoin social. Ces jurys interviennent pour l’instruction et le jugement, comme en Angleterre aujourd’hui. En France, les jurys ne seront créés qu’en 1789 et leur composition reste encore faite par tirage au sort, ce qui en assure l’incompétence en matière de droit, sauf hasard heureux.[15]

En 1254, une bulle du pape Innocent IV confirme l’obligation de ce jury au motif suivant précisé par le pape:  « parce que, pour une accusation aussi grave, il faut procéder avec les plus grandes précautions ». St Thomas d’Aquin compare les hérétiques, qui corrompent la foi, aux falsificateurs de la monnaie que la justice laïque condamnait à mort. Mais il ajoute que la condamnation ne peut intervenir qu’après deux efforts successifs de correction, en se référant à la lettre de St Paul à Tite ( 3,10 ). En tant que telle, l’Eglise place la miséricorde et la conversion avant toute punition.

            Le jury, pour en revenir à cette institution inventée par l’Eglise au 13ème siècle, est une petite assemblée locale de ceux qui peuvent avoir voix au chapitre et exercer un jugement social informé, tout le contraire de nos jurys d’assises, nous l’avons dit. On connaît des exemples de jurys composés d’une trentaine de membres, surtout laïcs, certains étant docteurs en droit. Les accusés et leurs familles peuvent les approcher et faire jouer des recommandations, les jurés devenant les avocats de l’accusé. L’inquisiteur n’est pas du tout en position de force. Il y a au contraire large débat, d’autant que des membres de ce jury peuvent eux-mêmes avoir eu maille à partir avec l’inquisition, dont ils ne se privent pas de critiquer les abus, réels ou non.

            En outre, l’accusé a souvent son propre avocat. Ici,il faut examiner toutes les sources et non la seule Pratique de B.Gui. Le Directoire d’Aymeric exige un avocat. L’accusé est aussi invité à présenter sa propre défense. Il peut produire des témoins à décharge, récuser ses juges, faire appel à Rome.

            Certains inquisiteurs refusaient de donner à l’accusé l’identité de ses dénonciateurs, qui risquaient des représailles, y compris l’assassinat. Dans son livre sur Montaillou, Mr Le Roy Ladurie constate que cent ans après la croisade, les cathares pouvaient encore avoir le bras long et la vengeance brutale. Mais cette identité est donnée au jury qui, connaissant par l’accusé l’identité de ses ennemis avérés, peut faire des rapprochements éclairants. Les dénonciateurs calomnieux sont punis comme les hérétiques.[16]

            Quant à la torture, d’origine romaine ( l’empire romain) et en usage alors dans le cadre des justices laïques, elle est autorisée par le pape Innocent IV en 1252. Cependant,le Directoire d’Aymeric[17] la juge trompeuse et inefficace et dans la réalité, elle restera rare, comme en conviennent maintenant les historiens. Il faut d’ailleurs un jugement spécial préalablement à sa mise en œuvre. Jugement auquel participe l’évêque. En outre, l’inquisiteur ne peut pas la pousser jusqu’à mutilation ou mise en danger de mort.

 

b) les sentences et leur application réelle

            Les documents originaux mettent en lumière une répression modérée. Deux exemples d’inquisiteurs :

            -B.Gui prononce 930 sentences en 15 ans : 42 remises au bras séculier ( bûcher ), 139 acquittements. Tout le reste, soit 749,  obligation de porter une croix, faire un pèlerinage ou aller en prison.

            -J.Fournier prononce 114 sentences en 8 ans : 5 remises au bras séculier, 48 emprisonnements. Le reste en pénitences et acquittements.

            Mais il s’agit là de peines prononcées et beaucoup ne sont pas effectuées réellement. Car l’inquisiteur pouvait atténuer, diminuer, et même remettre les peines et il ne s’en privait pas, notamment pour les peines de prison : congés de plusieurs semaines pour les grandes fêtes, liberté pour s’occuper des malades de la famille, retour au domicile pour se faire soigner, remise en liberté si le condamné doit faire vivre sa famille, etc….. Les commutations de peine sont habituelles.

 

c) conclusion

L’inquisition visait la réconciliation, comme la prédication des ordres mendiants. Elle fut obtenue. Créée pour écarter la prise à partie laïque, dénuée de miséricorde, elle fut positive pour le progrès social et humain en libérant le pays de ce que nous nommerions aujourd’hui une culture de mort, le catharisme. Nous en avons souligné deux exemples concrets, l’institution des jurys et la fondation de l’université de Toulouse.

            L’Eglise avait agi au mieux ou pour le moindre mal, compte tenu des circonstances.
C’est pourquoi nous avons voulu retracer l’histoire des origines et de la mise en œuvre de l’inquisition languedocienne pour mieux faire comprendre cette conclusion , qui va,  il est vrai, contre les idées encore dominantes dans notre société et même parmi les catholiques. La suite de cette histoire pourrait en effet accréditer ces idées si l’on persistait, comme nous l’avons dit au début de cet exposé, à confondre la suite avec cette première inquisition.

 

 

16-Des suites qui n’en sont pas vraiment :usurpations en tous genres

            Nous venons de voir la différence de méthode et surtout d’esprit entre une répression immédiate et brutale de l’hérésie par le pouvoir politique et la séquence prédication-explication d’abord, condamnation-répression ensuite, conduite par les deux ordres mendiants.

Dans le premier cas, les autorités politiques traitaient directement certes un vrai problème social mais sans tenir compte de la responsabilité individuelle et de son degré, chez les personnes suspectées, et dans le deuxième cas, un corps de religieux inquisiteurs spécialisés, dans le cadre d’une procédure contrôlée au plus haut niveau, celui de Rome, visait à la réconciliation des accusés avec leur foi et l’Eglise, en leur offrant de solides garanties pour leur défense et une grande compréhension et charité dans l’exécution des peines.

            Mais après la réussite en Languedoc, le terme inquisition va couvrir des procès iniques en utilisant à grande échelle le mensonge et la violence. Ce sera le fait d’une autorité royale cupide, celle de Philippe le Bel . Le pape Grégoire IX avait pu encore en 1233 démettre et faire condamner un inquisiteur dévoyé, Robert le Bougre, dominicain chargé de faire disparaître les résidus cathares en France du nord et leur appliquant la terreur pratiquée par ses anciens frères,  puisqu’il avait été lui-même cathare.[18]

            Trois quarts de siècle plus tard, la papauté n’avait plus le même ascendant et le roi nommait les titulaires à beaucoup d’évêchés. Ces évêques, redevables au roi de leur siège obtiennent que l’inquisition redevienne épiscopale (Concile de Vienne). Le roi en profite alors pour faire accuser d’hérésie l’ordre du Temple. Cet ordre gérait le trésor royal, mais surtout possédait de grands biens dans le royaume de France, n’ayant plus en Palestine son champ d’action et sa mission de défense du royaume de Jérusalem que les musulmans avaient repris aux croisés.

Les templiers sont alors tous arrêtés et soumis systématiquement à une torture prolongée pour leur faire signer des aveux préfabriqués par les « inquisiteurs », serviteurs zélés de la volonté royale.

            Le pape Clément V était en position de faiblesse, car il devait son élection en partie à Philippe le Bel, et il était soumis à la pression constante des légistes du roi, l’accusant même de simonie. Car, en 1308, il avait dessaisi l’inquisition de l’affaire du Temple. Mais trop faible ou affaibli par les attaques contre lui, il supprimera l’ordre du Temple. Il aurait dû plutôt supprimer l’inquisition, pour enlever au roi la couverture commode de lutte contre l’hérésie. Un siècle plus tard, le procès de Jeanne d’Arc disposera du même alibi. Sans tête indépendante, l’inquisition sera sous la coupe de l’évêque Cauchon et des théologiens de l’université de Paris passés au service du roi d’Angleterre. Ainsi l’assassinat politique pourra être camouflé en crime d’hérésie.

            Enfin, au 18éme siècle, Rome ayant supprimé officiellement l’inquisition, sauf en Espagne, les Parlements,  en France, s’arrogeront le droit de juger des affaires de foi.

            La répression pouvait encore se justifier pendant la crise aiguë de la Réforme, mais à la fin du 16éme siècle, avec l’Edit de Nantes, la paix religieuse et sociale était revenue en France. Certes, chez elle, la Réforme continuera de se montrer très intolérante, mais en France rien ne menaçait plus la paix sociale.

 Dumont remarque cependant que l’Eglise de France était devenue gallicane avec Louis XIV et donc se trouvait, comme toutes les églises de la Réforme, inféodée au pouvoir politique. C’est lui qui décidera la révocation de l’Edit de Nantes et des mesures brutales accompagnant cette décision. Et autre coïncidence troublante, au 17éme et au 18éme siècle,  « sorciers et sorcières »seront poursuivis et condamnés à mort par la justice en France comme dans tous les pays de la Réforme au motif qu’ils pratiquaient les œuvres du diable, alors qu’en Espagne, l’inquisition, ayant encore son statut autonome, se refusera toujours à aller plus loin que des mesures éducatives.

            Dès 1450 d’ailleurs l’inquisition n’a plus qu’une existence nominale, mais le pouvoir laïc n’a pas encore usurpé, dans certains pays,  d’une manière systématique avec ses propres tribunaux, la compétence répressive en matière de foi. Le Saint Office romain n’est pas encore né ( il sera institué, mais sans rigueur d’organisation, en 1542). A Rome même, règne la tolérance des papes de la Renaissance, jusque dans les excès de la licence morale. Mais par contre ils encouragent le nouvel humanisme avec la commande de publications des œuvres antiques oubliées et un mécénat au bénéfice des grands artistes de la nouvelle école.

            Or c’est en partie de cette tolérance très (trop ?) ouverte que de nouveau naîtra l’intolérance. Ce sera la Réforme avec de nouvelles inquisitions, fruit indirect d’une tolérance devenue faiblesse et d’une indulgence morale devenue laxisme. Tolérance excessive à la fois envers les faiblesses des membres de l’Eglise et d’abord le clergé et envers les déviations des théologiens et des moralistes atteignant « in fine » la foi elle-même.

            Notre étude sur les guerres de religion en France permet, nous l’espérons, d’en souligner la similitude avec l’affaire des cathares et donc la nécessité permanente pour l’Eglise de se réformer dans ses membres et ses institutions et de combattre sans relâche les menaces qui visent la foi et la morale.

 

 

2-L’inquisition espagnole

 

            De loin la plus décriée et accusée des pires excès dans la répression. Mais comme le démontre Dumont, elle est en fait surtout méconnue et calomniée.[19] Ce n’est qu’assez récemment que des historiens rigoureux, comme F.Braudel[20], ont exprimé leur rejet des sources auxquelles se référaient leurs prédécesseurs.

            C’est ainsi qu’ayant retrouvé et étudié des sources d’archives de l’époque de l’inquisition, ce s historiens ont été en mesure de réfuter les pures calomnies et de rectifier des chiffres totalement arbitraires, notamment ceux concernant les condamnations et les exécutions. Mais aussi et peut-être plus important, ont-ils pu expliquer les origines de cette inquisition, ses buts et les moyens de son action.

            Comme l’inquisition languedocienne, elle répondit d’abord à un besoin social, celui d’arrêter à ses débuts une véritable guerre civile entre chrétiens et judaïsants et de réintégrer dans la société espagnole chrétienne tous ceux qui avaient, consciemment ou inconsciemment créé par leur attitude dominatrice les conditions d’une rupture de cette société. Mais comme au Languedoc, la miséricorde l’emporta sur la répression, comme en témoignent les chiffres réels des sentences et des exécutions. Cependant, le refus persistant d’une minorité de la population d’origine juive de renoncer comme c’était son droit, à la pratique de sa religion conduisit à son expulsion, et nous y reviendrons.

 

21-les origines de la question :relations entre chrétiens et juifs[21]

            Notons d’abord que, maltraités par les souverains chrétiens wisigoths, très proches de l’arianisme à l’époque de sa plus grande diffusion, les juifs non seulement accueillirent l’invasion berbère musulmane avec faveur mais lui prêtèrent main forte, comme en témoigne un chroniqueur musulman.

            Les choses changèrent avec les dynasties intolérantes des Almoravides et ensuite des Almohades qui par ailleurs avaient repris l’offensive contre les royaumes chrétiens du nord de la péninsule ibérique, tout en persécutant chez eux non seulement les chrétiens mais aussi les juifs. Il s’ensuivit une émigration chrétienne et juive vers les royaumes chrétiens, notamment  la Castille. Là, chrétiens, juifs et musulmans vivaient en bonne intelligence. Une preuve en est donnée par l’épitaphe du roi St Ferdinand II, rédigée en quatre langues :latin, castillan, arabe et hébreu. Suprême délicatesse, c’est seulement en latin que sont rappelés les succès du roi dans la « reconquista ».

            La Castille ignorait le racisme anti-juif. La proportion de juifs dans la population atteignait environ 10%. D’illustres familles chrétiennes avaient fait alliance avec des familles juives. Un dialogue théologique existait et la « disputatio » de Tolosa ( 1414 ) impliquant quinze rabbins aboutit à la conversion de quatorze d’entre eux entraînant plusieurs milliers de leurs coreligionnaires.

            Ce double rapprochement biologique et religieux fit naître une Espagne « converso », chrétienne de sang juif. Ces « conversos » tendent à monopoliser la finance, la perception des impôts, la médecine, les charges municipales et pénètrent la noblesse, la cour, l’Eglise ( des évêques ) et les ordres de chevalerie . Le futur Ferdinand le Catholique naît de sang juif par sa mère ; les maîtres à penser des Rois Catholiques ( Diego de Valera, Hernando de Talavera…..) le sont aussi. Situation inconnue en France et en Angleterre d’où les juifs ont été expulsés respectivement en 1290 et 1394.

            Or l’inquisition va être réclamée et établie pour être dirigée contre une partie des conversos. Que s’était il passé ? Les juifs restés juifs ont été l’objet de faveurs de la part des « conversos » particulièrement haut placés, comme nous venons de le voir. Le peuple dit    « vieux chrétien » ( chrétiens d’origine ) s’inquiète , car il se sent menacé de dépossession de sa terre et de son identité.

            En 1391, une tuerie de juifs a lieu dans une grande partie de «  l’Espagne[22] ». Elle provoque des conversions hâtives et superficielles relayées ensuite par la prédication de St Vincent Ferrier, mais de façon sans doute encore trop rapide. Ce qui contraste avec les premières générations de « conversos », sincèrement et profondément chrétiennes.

            Le monde des conversos devient hétérogène et les chrétiens de fraîche date retournent à des pratiques judaïques. Les chroniqueurs conversos eux-mêmes  ( Diego de Valera par ex.) notent que les derniers « convertis », de plus en plus nombreux, non assimilés, se montrent arrogants et oppresseurs vis-à-vis des vieux chrétiens. Un chroniqueur écrit :  « Extraordinairement enrichis par des métiers très particuliers…..cherchant à s’emparer des charges publiques……ils se constituaient en clans ( bandos). Jusqu’à disposer à Cordoue par exemple, de trois cent cavaliers bien armés ». Sûrs ainsi de leur impunité,  « ils ne craignirent pas de célébrer des cérémonies judaïques », bien qu’officiellement chrétiens.

            Cette fois les vieux chrétiens s’attaquent aux conversos. En 1449, après une lutte acharnée contre les  «  bandos conversos », ils reprennent le pouvoir à Tolède. De même à Ciudad-Réal la même année. En 1467, les conversos cherchent à récupérer le pouvoir perdu dans une orgie de sang et de destructions. A Cordoue, cela dure deux jours entiers et les paysans des campagnes environnantes se livrent à des pogroms contre les conversos en fuite.

En 1474, c’est à Ségovie, en Vieille Castille, que les vieux chrétiens prennent le dessus, sous les yeux des nouveaux souverains, Isabelle et Ferdinand, associés par le mariage et donc fondant l’alliance étroite de la Castille et de l’Aragon, base de la future Espagne unie. C’est sans doute alors que tous deux prennent leur décision.

            Mais l’appel à une inquisition a été préparé par des conversos éminents, d’une part en réclamant le respect des droits de leurs anciens coreligionnaires, d’autre part en condamnant leurs fautes. L’un d’eux va jusqu’à leur rappeler la Loi et les Prophètes concernant les prescriptions et châtiments. L’évêque de Burgos, ancien rabbin, écrit un « Dialogue contre les juifs » et des religieux, des pamphlets parfois violents ; un franciscain n’hésite pas à  vouer les judaïsants au feu d’une inquisition qu’il souhaite voir s’instaurer. Ce sont donc des conversos qui prononcent le mot les premiers.

 

 

22-une nouvelle inquisition

            Les souverains cherchent une voie de sortie. Or, comme l’écrit un historien israélite, Cecil Roth :  « par rapport aux tueries de 1391, il y avait une grande différence. Ceux qui avaient été attaqués avaient pu se sauver en acceptant le baptême. Maintenant, ils n’avaient plus de voie de sortie ».[23]

            Sauf par un nouveau  «  baptême », mais dispensé par une autorité que les vieux chrétiens ne pourraient contester. Aucun d’eux n’oserait attaquer les décisions d’un tribunal de la foi fondé par le pape et assumé pleinement par le pouvoir royal. Celui-ci savait pouvoir compter sur le concours des conversos d’origine ancienne, attachés sincèrement à la foi chrétienne. Ferdinand et Isabelle allaient leur confier la direction de ce tribunal de la foi.

            Le pape Sixte IV accéda à la demande de création d’une inquisition pour ramener à la foi et pratique chrétiennes les conversos judaïsants, ce qu’il formalisa par la bulle  « Exigit sincerae devotionis » du 1er novembre 1478. Et sur proposition des rois, nomma inquisiteur général le dominicain Torquemada,[24] de lignage juif converti, comme l’étaient Perez de Almazan, secrétaire d’Etat à l’inquisition et le successeur de Torquemada, Diego Deza. Plutôt que de rejeter les juifs, comme l’avaient fait la France et l’Angleterre, les rois d’Espagne cherchaient à sauver leur christianisation.

 

            221-Comme en Languedoc,d’abord la prédication et la miséricorde

Une première preuve en est donnée par le délai de deux ans[25] entre la bulle papale et la première mise en place des inquisiteurs à Séville en 1480. Dans cet intervalle, il y eut la publication d’une lettre pastorale et d’un catéchisme pour les conversos, accompagnée de visites à domicile et d’affichage dans toutes les paroisses. Mais les judaïsants nièrent leurs erreurs, tout en y retournant en secret, pratiquant les rites judaïques. Des historiens aussi connus que Benassar et Kamen, par ailleurs relativement objectifs, n’en soufflent mot ou affirment qu’il ne se passa rien pendant ces deux ans.

            Une deuxième preuve apparaît en 1495-1497 avec l’opération d’habilitation[26] qui, contre le versement d’une taxe modeste, rendait à tous les condamnés par l’inquisition durant les quinze ans écoulés et à leurs descendants le droit d’exercer les métiers qui leur avaient été interdits et le droit d’accéder aux charges publiques. Parmi les cas types, on relève celui du grand père de Ste Thérèse d’Avila qui peut devenir percepteur des impôts royaux et ecclésiastiques à Avila.

 

 

            222- Comme en Languedoc,nombre réduit de condamnations à mort

            La publication d’archives très précises à ce sujet a permis de découvrir que les chiffres avancés par les historiens anti-inquisition n’avaient que peu de rapport avec la réalité

            On comprend l’attitude d’un historien aussi réputé que F.Braudel quand il rejette en bloc l’historiographie courante  sur l’inquisition espagnole. Ainsi, l’incroyable « faribole »de Kamen,[27]  comme la qualifie Dumont, affirmant que l’inquisition extermina les conversos,ce que dément avec évidence l’habilitation précitée et l’exemple du grand père de la grande sainte d’Avila, qui fut loin d’être un cas isolé. Des conversos comme Pacheco et Henriquez règnent sur d’immenses domaines seigneuriaux ou sont duc d’Escalona, amiral de Castille, vice-rois du Pérou, du Mexique.

            Mais le cas le plus étonnant de la falsification de l’histoire concerne les chiffres concernant le nombre de condamnations. Tout part d’une véritable imposture, celle du premier historien moderne de l’inquisition espagnole, Llorente,[28] ex-ministre de Joseph Bonaparte, qui en 1817-1818 avance des chiffres repris sans critique par tous les historiens ou presque jusqu’en 1975. Mr Dufour, cette année là, publie une étude qui démontre que l’intéressé ignorait complètement les chiffres réels. Il partit des activités du seul tribunal de Séville, présentées par des chroniqueurs anciens alors que l’un d’eux disait honnêtement que les chiffres provenaient de on-dits. Chiffres complètement erronés. Et, tranquillement, ajoute Dumont, Llorente les multiplie par le nombre de tribunaux et le nombre d’années de leur fonctionnement. Arrivant ainsi à des chiffres que lui-même trouve insoutenables ; il les diminue aussi arbitrairement de 50%.

            Au total, de pures inventions, alors que des historiens plus récents ont pris la peine d’ouvrir et d’étudier les archives, ainsi dépouillées pour la première fois. Deux d’entre eux  le P.Azcona [29]et le laïc luthérien G.Henningsen arrivent à des chiffres comparables, même s’ils concernent des époques différentes : de 1481 à 1515 pour le premier , avec 400 victimes ; de 1560 à 1700 pour le second , avec 1% des accusés, soit 500 en 140 ans, sachant que la période initiale de l’inquisition ( 1481-1515) fut évidemment la plus active et de loin.

            Ces chiffres sont très inférieurs à ceux qui auraient été ceux de massacres aveugles comme en avait connu l’Espagne auparavant. L’exemple de Tolède est éclairant, puisque en deux fois quelques jours il y eut autant de morts que l’inquisition en provoqua en 25 ans du règne d’Isabelle. Le Portugal, qui n’a établi l’inquisition qu’en 1586 confirme cette compa-raison avec les 2000 conversos massacrés à Lisbonne en 1506. On peut aussi comparer avec les autres pays, protestants et catholiques où,  au 17éme et au 18éme siècles, furent brûlés des milliers de soi-disant sorciers et sorcières, alors que l’inquisition espagnole refusa toujours de les condamner.

 

223-Quelques autres vérités,contre quelques autres contre-vérités

            a) les « familiers »[30] de l’inquisition auraient été des dénonciateurs omniprésents, une police secrète sans trace de nomination. Or, bien au contraire, ils étaient des notables locaux titulaires d’un diplôme en bonne et due forme : on en a retrouvé dans les archives.

Ces « familiers » garantissaient les inquisiteurs d’une répression mal informée. Et, en tant que tels, ils participaient aux cérémonies de l’inquisition : édits de foi,  « autos de fe ».

            b) les dénonciations venaient fréquemment des coupables eux-mêmes, car après la proclamation de l’édit de foi, ils disposaient de trente ou quarante jours de grâce pendant lesquels ils bénéficiaient de l’indulgence et ne recevaient que des pénitences salutaires pour leur âme. Donc pas de séquestre des biens, ni autres punitions, a fortiori pas de prison.

            Quand il y avait dénonciation par d’autres personnes que le sujet lui-même, les dénonciateurs étaient mis sérieusement en garde contre la tentation de chercher un quelconque intérêt particulier, autre que la gloire de Dieu. Ils juraient sur l’évangile de dire la vérité et leur interrogatoire était aussi poussé que celui de l’accusé, le tout étant enregistré par notaire. Le dénonciateur devait produire deux témoins à l’appui de ses dires. Le faux témoignage était sévèrement puni.( nous avons déjà rencontré des dispositions analogues avec l’inquisition en Languedoc) .[31]

            Les noms des dénonciateurs étaient gardés secrets, pour leur éviter des représailles, comme en Languedoc et aussi dans les justices laïques. Mais les dépositions des témoins étaient communiquées à l’accusé  « le plus à la lettre qu’il se peut ( pour éviter leur identification) et en n’en prenant pas seulement la substance ».

            Avant la communication des charges à l’accusé, un acte de procédure supplémentaire obligeait les accusateurs à confirmer ou non leurs déclarations devant deux prêtres ne faisant pas partie de l’inquisition. Ils pouvaient ainsi plus facilement se reprendre, si nécessaire.

            c) comme en Languedoc, avant toutes poursuites, l’instruction était sérieusement menée avec des garanties protégeant l’accusé.

Ses déclarations étaient examinées par des théologiens en commission, appelés qualificateurs. Après délibération et vote, ces déclarations étaient qualifiées ou non d’hétérodoxes. Si oui, ce n’était pas l’inquisiteur lui-même, mais le procureur qui préparait le mandat d’arrêt. Et l’inquisiteur devait encore « méditer sur l’affaire » avant de le mettre à exécution.

            d) une fois l’accusation prononcée, les biens de l’accusé étaient mis sous séquestre avec inventaire notarié signé par lui et le chef de la police. Si l’accusé sortait libre, ses biens lui étaient rendus suivant cet inventaire. L’administrateur désigné tenait une comptabilité précise et aucune vente ne pouvait avoir lieu sans l’autorisation de l’inquisiteur. Si l’accusé n’était pas inculpé d’hérésie formelle, il laissait ses biens en administration à une personne de son choix.[32]

e) les prisons ont été décrites comme un enfer. Mais l’inquisition le plus souvent assignait à résidence, faute de locaux qui lui soient propres. Et quand elle en disposait, ils étaient tellement bien organisés et « confortables » que nombre de délinquants de droit commun s’accusaient d’hérésie pour y être incarcérés plutôt que dans les prisons ordinaires.[33]

f) l’accusé avait un avocat, généralement désigné par l’inquisition, (pour la conservation du secret protégeant les accusateurs) qui pouvait produire des témoins à décharge, prouver que les accusateurs avaient pour motif leur inimitié à l’égard de l’accusé, récuser les témoins et même les juges.

L’inquisition espagnole n’avait pas de jury, comme en Languedoc, mais la commission des qualificateurs en tenait lieu, d’une certaine manière, concurremment avec la commission de jugement.[34]

g) la torture était employée rarement et dans des conditions de contrôle très strict, avec présence de l’évêque et d’un médecin. On peut estimer entre 1% et 2% de la totalité des procédures, les cas de torture,  à partir des archives de Tolède et de Valence.

Rien de comparable avec les justices laïques, à tel point que Dumont peut affirmer que le reflux de l’emploi de la torture, en général, commence dans l’histoire avec l’inquisition.

h) quant aux peines infligées à ceux qui s’obstinaient, en dehors du bûcher dont nous avons montré précédemment qu’il était rarement mis en œuvre, elles consistaient en condamnations à la prison, dont certaines soi-disant perpétuelles et irrémissibles mais en fait très limitées en durée. On trouve même des libellés bizarres comme une condamnation à la prison perpétuelle pour un an.[35]

            Nous avons déjà dit la rareté de l’infrastructure propre à l’inquisition qui le plus souvent assignait à résidence avec des permissions de sortie pour les motifs les plus variés.

            i) La confiscation des biens faisait l’objet d’un grand nombre de dispenses et l’inquisition ne recevait que des sommes négligeables venant des condamnations pécuniaires.

Les tribunaux de l’inquisition sont pauvres et dès 1501 le Saint Siège doit venir au secours financier de l’inquisition espagnole. Les biens réellement confisqués, aux mains du trésor royal, servaient par leurs revenus à la défense des accusés, en une véritable assistance judiciaire pour les plus pauvres.

 

224-le vrai visage des inquisiteurs

            Ils sont qualifiés encore trop souvent d’obscurs fanatiques, mais cela ne tient pas plus que les autres contre-vérités. Leurs actions et leurs écrits ainsi que les témoignages à leur égard, font justice de cette appellation injurieuse.

            Ils sont les plus cultivés du clergé, souvent solidaires du peuple par leurs origines modestes, sortant des plus réputés et prestigieux collèges universitaires, notamment de Salamanque. Leurs capacités et la qualité de leur formation les amènent aux plus hautes charges dans l’Eglise et dans les conseils royaux.

            Un voyageur français du 18éme siècle, l’abbé de Vayrac, écrit : « …….la prévention a tellement prévalu que je désespère de pouvoir faire comprendre à mes compatriotes que la circonspection, la sagesse, la justice, l’intégrité sont les vertus qui caractérisent les inquisiteurs ». Jugement confirmé par l’ambassadeur de la Convention à Madrid en 1797 :

« L’inquisition, si on osait lui pardonner ses formes et l’objet de son institution, pourrait être citée comme un modèle d’équité ….. »

            En 1979, Bartolomé Benassar écrit à son propos : « ….supérieure aux tribunaux ordinaires…..soucieuse d’éduquer, d’expliquer à l’accusé pourquoi il a erré……….dont les condamnations définitives ne frappent que les récidivistes ».

            La Réforme catholique est initialement espagnole avec trois grands prélats, aussi inquisiteurs généraux : Cisneros, Diego Deza, Alonso Manrique, qui réforment en profondeur leurs diocèses de Tolède, Palencia et Badajoz dès 1500 par la formation de leur clergé, la mise au point de Bibles polyglottes dans le cadre d’un renouveau biblique. Tout cela dans un esprit de compréhension, de culture et de lucidité, comme le montre leur refus de censurer Erasme, aux audaces fortes et très mal considéré par la Sorbonne et même Rome.

            La largeur de vues de l’inquisition espagnole laisse publier des comédies de mœurs sur un clergé parfois relâché moralement, et même des ouvrages d’exégèse protestante, comme la Biblia sacrosancta de Zurich qui, en parallèle avec la Vulgate de St Jérôme devient bible latine officielle de Salamanque, première bible œcuménique officielle.

            L’ouverture à la science et à l’humanisme des inquisiteurs est particulièrement remarquable. Ils ne condamneront aucun écrivain et ne mettront pas à l’index Galilée, non plus Copernic. L’inquisition n’a jamais brûlé d’ouvrages saisis, conservés par elle pour sa documentation. On connaît d’ailleurs l’exemple d’un converti au protestantisme par la lecture de certains de ces ouvrages confisqués mais non détruits. L’auto da fe des œuvres de culture mauresque en 1500 est une pure légende.

            Redisons encore que l’inquisition espagnole est dirigée par des conversos, de lignage juif. Mais comme nous l’avons aussi déjà remarqué, ils assument bien d’autres charges. Ce qui d’ailleurs fait scandale hors d’Espagne, à Rome, en France et dans les pays protestants. Quand Kamen affirme que longtemps le clergé espagnol résidant à Rome fut d’origine juive, il  contredit son autre affirmation de l’extermination des conversos par l’inquisition. Au 17éme siècle, les conversos sont plus que jamais au cœur de la civilisation espagnole dans ses plus hautes hiérarchies.

            Dumont ne craint pas de dire que l’inquisition et son travail en profondeur ont produit des résultats décisifs. Le génie converso a été, face à la Réforme, le fer de lance de la résistance et de la reconquête. Il cite Thérèse d’Avila, réformatrice des carmels, F.deVitoria rénovateur de la théologie morale et sociale à l’université de Salamanque, St Jean d’Avila, inspirateur d’Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, Lainez, successeur d’Ignace et animateur du Concile de Trente, les nombreux conversos qui se firent jésuites et donc se trouvèrent à la pointe de la mise en œuvre des décisions de ce Concile. Pour Dumont, la conclusion est évidente: les conversos furent au cœur du renouveau spirituel dans l’Eglise.

 

23-Ombre à ce tableau :l’expulsion des juifs restés juifs ; mais ombre atténuée

             Les juifs non conversos sont expulsés d’Espagne en 1492, soi-disant sous la pression de Torquemada vis-à-vis des souverains espagnols, Ferdinand et Isabelle. Un témoin juif Abrabanel, financier du pouvoir royal, donc particulièrement bien placé, apporte un témoignage qui dément cette imputation mais attribue la décision à Isabelle. Cependant il rapporte ce que lui a déclaré la reine : « Croyez-vous que cela vienne de moi ? Le Seigneur

a mis cette pensée dans le cœur du roi ».

            L’expulsion était une décision royale, prise après de nombreuses consultations, auprès de l’inquisition évidemment, mais auprès de bien d’autres organismes et responsables, comme les Cortès de Tolède qui en 1480 avaient imposé la séparation entre chrétiens et juifs, ces derniers étant astreints à leur regroupement dans des quartiers bien délimités. Ce qui veut dire que jusqu’à cette année 1480, les juifs habitaient où bon leur semblait.

            Pourquoi cette expulsion ? Parce qu’entre autres raisons, les juifs restés juifs et vis-à-vis desquels, nous l’avons précisé déjà, l’inquisition n’avait aucun pouvoir, continuaient de faire pression sur les récents conversos pour les ramener à la religion juive. Mais une autre raison, avancée par Braudel, pourrait avoir été motivée par la reconquête récente du royaume de Grenade, dernière terre récupérée légitimement sur les usurpateurs musulmans du pays.

Ainsi, nous dit Braudel, la péninsule ibérique redevenait Europe, tournant le dos à l’Afrique et à l’Orient, considérés comme colonisateurs et donc avec qui il fallait couper les liens. Avec l’expulsion des juifs restés de religion juive, elle se libérait des « eaux étrangères », selon la formule de Braudel.

L’inquisition n’a aucune place dans ce processus et le trésor royal n’en tire aucun profit financier, quand Abrabanel avait offert 300.000 ducats à la Couronne pour faire arrêter ce processus. La possibilité d’échapper à l’expulsion était conditionnée à la conversion, ce que feront 50.000 juifs, protégés par décision royale des enquêtes de l’inquisition, le temps nécessaire à leur adaptation. Le but reste toujours l’assimilation et non la répression et encore moins la conversion de force. Le nombre réel des expulsés tourne autour de 100.000, dont certains, assez nombreux, revinrent discrètement, sans que personne se montre très exigeant sur les preuves de leur conversion .

            Au total, la grande majorité des juifs d’Espagne furent des conversos, par vagues successives depuis le Moyen Age jusqu’à Charles Quint et ce sont des juifs non convertis qui le disent. En Castille et en Aragon, à la fin du 15éme siècle, les juifs conversos représentaient 400.000 personnes sur une population totale de 5 millions. Et ils appartenaient à l’élite économique, administrative et culturelle. La parité avec les vieux chrétiens avait été réalisée par le haut.

 

Conclusion sur l’inquisition espagnole : dérives ultérieures négligeables

 

            A l’appui de cette affirmation, il suffit de rappeler les constatations faites  à la fin du 18éme siècle par des témoins français dont nous avons cité quelques phrases plutôt élogieuses pour cette institution, une trentaine d’années avant sa disparition officielle, à la suite de l’indépendance des colonies espagnoles d’Amérique centrale et du sud.

            A ce propos précisons -nous le disons ailleurs à propos de l’évangélisation des indiens- que l’inquisition très vite fut exclue de toute compétence vis-à-vis  de ces populations, que l’arrivée des Espagnols délivrait de la tyrannie de religions sanguinaires.

Aussi leur conversion fut spontanée pour la plupart ( exceptions au début et dans les Caraïbes) et leur fidélité à la religion catholique ne s’est pas démentie jusqu’au milieu du 20éme siècle, même si maintenant se fait sentir l’influence des sectes, souvent d’inspiration originelle protestante américaine.

Nous avons déjà souligné aussi l’attitude très ouverte de l’inquisition espagnole qui lui évita de s’engager dans des condamnations hâtives et imprudentes et des injustices douloureuses ou cruelles (affaire Galilée et procès de sorciers et sorcières supposés)

 

Conclusion sur les deux inquisitions au Languedoc et en Espagne

 

            Ces deux institutions ont été créées pour faire face à un besoin social provoqué par les menaces graves visant la paix intérieure , voire la sécurité de populations en proie à des débats religieux transformés en persécutions physiques ou luttes armées.

            Toutes deux avaient affaire à leur époque à des sociétés marquées d’une foi chrétienne simple mais convaincue de sa nécessité pour le salut éternel des individus et pour l’unité  et donc la paix intérieure des communautés. L’hérésie y était perçue comme le plus grave des crimes. Les hommes de ces époques vivaient une vie courte et rude. Laissés à eux-mêmes, ils pouvaient se laisser conduire à des réactions violentes, alimentées par des instincts qu’échauffait  une conviction mal orientée.

            Les inquisitions en Languedoc au 12éme siècle et en Espagne aux 14éme et 15éme ont su prendre la mesure de l’homme  chrétien de leur époque. Par une politique alliant rigueur doctrinale et fermeté de jugement d’une part, charité et miséricorde d’autre part, elles ont permis d’arrêter des conflits armés et des massacres en réconciliant les hommes dans la même foi chrétienne.

Cette unité dans la conviction que la foi vraie était indispensable au salut éternel apparaît dans l’exemple suivant. Sur le bûcher auquel l’ont accompagné les inquisiteurs, un condamné déclare sa foi au Christ ; ses accompagnateurs laissent éclater leur joie et l’embrassent….mais de peur d’un nouveau reniement, ils le font étrangler pour lui éviter un nouveau délai et la possibilité de se damner définitivement. Evidemment, cela est incompréhensible et scandaleux pour la plupart des hommes de notre époque. Mais tout jugement péremptoire risquerait d’être complètement anachronique. Heureusement, le Seigneur est maître du temps et lui seul peut juger les consciences à toutes les époques sans commettre d’anachronisme.

            Les guerres de religion qui vont suivre n’auront pas de fin aussi satisfaisante pour l’unité des chrétiens,  c’est le moins que l’on puisse dire. L’instrument de l’inquisition était devenu impuissant et odieux aux mains des pouvoirs laïcs. Il devait laisser la place à des instruments et à des méthodes qui soient mieux adaptés encore pour continuer à faire avancer encore plus loin vers l’idéal évangélique tous les hommes d’une terre maintenant entièrement explorée.

 

 

 

3-l’inquisition romaine et  «  l’affaire Galilée »

 

            Nous avons jusqu’ici fait appel essentiellement à Mr Dumont et à travers lui à ses sources, souvent puisées dans les archives de l’époque et non tributaires d’autres historiens mal informés. En ce qui concerne l’affaire Galilée, il ne lui consacre qu’une page, pour comparer les Index respectifs de l’inquisition espagnole et de l’inquisition romaine.

            Il constate l’indépendance totale de la première vis-à-vis de la seconde. En effet, la première, contrairement à la seconde, n’a jamais prohibé Copernic, ni Galilée. Et Dumont l’explique par l’assistance des universités de Salamanque et Alcala pour l’élaboration de l’Index espagnol ainsi  que l’existence en Espagne d’une importante école astronomique copernicienne. Et les Espagnols soulignaient  que Galilée n’avait été condamné que par quelques cardinaux et non par un concile ou par le pape parlant « ex cathédra ».

            Les choses étaient si claires pour les contemporains que Galilée envisageait en 1612 de se réfugier en Espagne quand Rome commençait à le poursuivre.

            Mais l’affaire Galilée, du fait du conflit qu’elle a provoqué,  au moins dans les esprits, entre la science et la religion,  est difficile à comprendre sans faire appel à des personnes de formation scientifique, si possible versées aussi en connaissances théologiques. Aussi ferons nous référence maintenant à un prêtre, l’abbé Christophe Héry, ancien ingénieur, et à la conférence qu’il prononça en 1999 devant l’université d’été de « Renaissance catholique ».  Le thème général en était la « repentance », d’une actualité brûlante à cette époque, pour la préparation du jubilé du deuxième millénaire, décidé par le pape Jean Paul II.[36]

            C.Héry fait d’abord remarquer que Galilée est pratiquement le seul exemple donné par les adversaires de l’Eglise, depuis deux siècles,  pour instruire son procès en  « obscurantisme ». Ensuite il cite A.Koestler dans son livre « Les somnambules », où il rappelle que c’est Copernic qui, un siècle avant Galilée, a émis, le premier depuis l’antiquité grecque, l’hypothèse d’un système solaire héliocentrique, les planètes tournant autour du soleil[37].

 Il continue en énumérant tout ce qui est, à tort, attribué au génie de Galilée, par ailleurs indéniable. Il n’a pas inventé le télescope ( mais l’a amélioré ) ni le microscope, ni la loi d’inertie ( il était contre), ni les taches du soleil. Il n’a apporté aucune contribution à l’astronomie théorique et n’a pas démontré l’hypothèse du système de Copernic (les  « preuves » qu’il avançait étaient fausses, comme par exemple les marées, dues en fait, à la loi d’attraction à distance, dont la validité est prouvée par Newton, un siècle plus tard, alors que Galilée en rejetait l’hypothèse).

            D’une façon générale il s’approprie les découvertes des autres tout en les améliorant avec génie, mais en passant sous silence les véritables inventeurs.

            Avec sa lunette améliorée, il fait des découvertes intéressantes qui l’amènent à se rallier à l’hypothèse de Copernic. Il est reçu à Rome au fameux Collège des jésuites où il est d’abord accueilli avec faveur et en même temps à l’Académie des Lincei, qui incarne les idées scientifiques nouvelles. Alors que la science d’Aristote, philosophie de la nature appuyée sur la recherche des causes finales, et mal distinguée de la théologie, s’enlise dans la stérilité, la science nouvelle, balbutiante, cherche plutôt à expliquer les mécanismes de la nature suivant les causes efficientes. Galilée prend part à cette recherche au sein des Lincei.

            Enseignant à Padoue la théorie de l’héliocentrisme, il commence à être attaqué, par des laïcs et des jésuites. Galilée cherche des protecteurs et les obtient grâce à sa réputation d’inventeur, pourtant contestable. Le futur pape Boniface VIII et le cardinal jésuite et futur saint R.Bellarmin sont les premiers et les plus haut placés de ces protecteurs. Et de fait, en 1616, c’est Copernic,  mort depuis 1543,  qui est condamné, et non Galilée.

Copernic, chanoine discret et modeste, avait refusé longtemps de publier sa thèse. Elle ne paraîtra que l’année de sa mort et sera combattue par Luther, mais soutenue par le pape Paul III, à qui l’œuvre aura été dédiée par Copernic. Qui pourrait encore affirmer que l’Eglise s’oppose à la science. ?  De fait elle l’encourage.

            Mais pourquoi alors cette condamnation 73 ans après ? Comme le dit C.Héry, le contexte a changé avec l’influence de Luther. Les protestants condamneront Kepler (1571-1630) fondateur de l’astronomie moderne, dont les calculs et les lois qui portent son nom rejoignent  le système héliocentrique de Copernic.

            Le Saint Office ( inquisition romaine ) a réagi en fait contre Galilée, car au lieu de présenter le système copernicien comme une hypothèse, c'est-à-dire « tout se passe dans le système solaire comme si les planètes tournaient autour du soleil », il la présente comme une certitude et n’en démord pas .

            Pourquoi l’Eglise ne veut-elle pas l’admettre ? Parce que l’héliocentrisme heurtait l’interprétation traditionnelle de certains passages de la Bible[38]et que pour combattre les idées de Luther, il fallait veiller en contre partie à un grand respect de l’Ecriture, pour ne pas prêter le flanc à ceux qui en avaient fait leur référence majeure. Il semble qu’en particulier les jésuites, fer de lance de la réforme catholique et défenseurs contre Luther de l’interprétation de l’Ecriture par la seule Eglise, aient pris parti contre Galilée, après l’avoir plutôt bien accueilli à Rome.

             Le plus étrange, dans cette réaction, est l’oubli du Concile de Trente, qui avait validé les principes d’interprétation de l’Ecriture énoncés déjà par St Augustin et repris par St Thomas. Ce dernier, critiquant le système géocentrique de Ptolémée, disait en trois mots le cœur du problème : « son seul mérite est de sauver les apparences sensibles concernant le mouvement des corps célestes »( ST Ia Q32,a1,ad2 ). En d’autres termes, il faut distinguer dans le langage de l’Ecriture ce qui vise à rejoindre l’homme dans son propre langage humain et dans sa mentalité et l’expression supposée d’une affirmation scientifique. Comme l’a rappelé le Concile Vatican II, dans la Constitution Dei Verbum sur la Révélation, l’Ecriture nous dit les vérités nécessaires à notre salut et en aucun cas ne cherche à exprimer des vérités scientifiques.

Dans le cas de l’opposition entre géocentrisme et héliocentrisme, nous connaissons maintenant scientifiquement la réalité du deuxième système, mais nous continuons de dire :  « le soleil se lève » [39].Au 17éme siècle, l’héliocentrisme était encore pour la majorité des chrétiens une théorie nouvelle et allant contre l’expérience des sens, ce que montre bien l’opposition de Luther.

              Galilée se voit demander des preuves appuyant sa certitude. Il en avance plusieurs successivement, dont le mouvement des marées dont nous avons déjà parlé. Or un contemporain, le P. Grassi, adversaire acharné de Galilée, militera pour expliquer les marées par la force à distance. Il est dans le vrai en cela, au contraire de Galilée qui fait preuve de son peu de rigueur scientifique avec toutes ses « preuves » invalides.

Mais Galilée est dans le vrai en appuyant le système copernicien. On voit ainsi par cet exemple combien la situation est complexe. L’attitude dédaigneuse de Galilée mettant au défi ses adversaires de démontrer la fausseté de ce qu’il affirme n’arrange rien à ses propres erreurs de démonstration.

Aussi, le Saint Office interdit à Galilée d’enseigner le système copernicien comme une certitude mais allant beaucoup trop loin, il interdit formellement de croire et d’adhérer à cette théorie. Même pour l’époque, l’attitude du St Office prétendant contrôler les pensées et arrière pensées est abusive et indéfendable, nous dit C.Héry.

Galilée tient compte de l’avertissement et oriente ses études dans d’autres domaines. Il adopte l’idée de Képler qui attribue les taches solaires  à des « vents solaires ». Mais il méprise Képler et rejette ses fameuses lois, notamment celle de l’attraction des corps à distance, énoncée en 1605, loi que perfectionnera Newton et qui fournira en conséquence l’explication des marées. Comme Héry l’affirme, et semble-t-il avec raison, le génie du siècle en astronomie est Képler, et non Galilée. Condamnées par les protestants, les œuvres de Képler ne seront jamais mises à l’Index par l’Eglise catholique.

Galilée ne se résigne pas au silence et il écrit un nouveau livre « l’Essayeur » où,  habilement, il déclare que le système ptoléméen étant périmé et le système copernicien interdit, il faut trouver autre chose. Il peut ainsi obtenir l’imprimatur et dédicace un exemplaire au nouveau pape, Boniface VIII, qui , comme cardinal Barberini, l’avait déjà pris sous sa protection et qui, comme pape, le reçoit plusieurs fois. Mais le procès de 1616 n’est pas révisé.

            Aussi en 1632, Galilée récidive en publiant un autre livre,  « Le dialogue », mais en utilisant une ruse qu’il croit habile, pour obtenir l’imprimatur dont en principe pourtant il n’a pas besoin pour un livre scientifique. Dans l’ambiance de l’époque à Rome, il préfère cependant une garantie ecclésiastique.

Bloqué à Florence par une mise en quarantaine de la ville à cause de la peste, il en profite pour intriguer auprès des autorités de la ville, notamment son grand inquisiteur. Il rédige une préface qui dit le contraire du contenu du livre que personne à Florence ne peut vraiment comprendre, compte tenu de son niveau scientifique. Il obtient donc facilement l’imprimatur à Florence et son livre est publié à Rome. Le pape découvre la supercherie et bien évidemment considère que Galilée le prend pour un imbécile. D’autant qu’entre deux équations, l’auteur se livre à la polémique en traitant les ecclésiastiques de  « pygmées mentaux ».

             Cependant le pape , qui est sans doute favorable à l’héliocentrisme et qui aime bien Galilée cherche à le soustraire à l’inquisition en faisant étudier le livre par une commission d’enquête. Mais il est trop tard, car l’inquisition s’en est déjà saisie. Cette fois il est soumis à trois chefs d’accusation : parjure, car il n’a pas respecté sa parole de ne pas écrire; hérésie contre l’Ecriture ; intention délibérée d’adhésion à cette hérésie, ce qui était aller trop loin. Galilée commence par le prendre de haut et à mentir en invoquant la préface de son livre qui, nous l’avons vu était un mensonge elle-même.

Les autorités romaines sont bien mieux qu’à Florence, en mesure d’apprécier la contradiction entre le livre et sa préface et n’en sont que plus mal disposées à son égard. Le pape intervient personnellement et le somme d’abjurer son erreur, plutôt que de nier être dans cette erreur. Galilée, menacé de torture, se soumet à cette injonction.

Mais ce qui n’a rien arrangé en fait, c’est que Galilée, devant les objections théologiques faites à la théorie de l’héliocentrisme que personne à son époque ne pouvait vraiment prouver, va répliquer sur le même plan théologique. Lui, laïc, entrait « dans la sacristie », suivant la formule de l’époque et donc marchait sur les brisées des clercs. Or c’est pourtant dans ce domaine qui n’est pas le sien qu’il expose des idées, qui seront reprises par Vatican I et confirmées par Vatican II. On peut en juger par les extraits suivants d’une lettre adressée à un ami par Galilée :

« La Sainte Ecriture ne peut ni se tromper, ni  nous tromper……..mais ceux qui l’expliquent et l’interprètent peuvent se tromper de bien des manières………….dans les questions de sciences naturelles, l’Ecriture devrait occuper la dernière place. L’Ecriture Sainte et la nature viennent toutes deux de la Parole divine, l’une est inspirée par l’Esprit Saint, l’autre exécute fidèlement les lois établies par Dieu…….la Bible s’accommodant à l’intelligence du commun des hommes, parle en bien des cas et avec raison d’après les apparences…..On ne peut pas, en faisant appel à des textes de l’Ecriture Sainte, révoquer en doute un résultat manifeste, acquis par de mûres observations ou par des preuves suffisantes (ce que Galilée n’a pas réussi, mais personne ne disposait alors des moyens de ces preuves que seul Newton, un siècle plus tard posséderait, outre son génie propre)……dans l’Ecriture, l’Esprit Saint a omis de nous instruire de ces choses à dessein, parce que cela ne convenait pas à son but, qui est le salut de nos âmes……..Une opinion qui ne concerne pas le salut de nos âmes

peut-elle être hérétique ? ».

Comme nous l’avons dit précédemment, Galilée n’invente rien, puisque ces principes herméneutiques -dirions nous maintenant- sont déjà ceux de St Augustin et de St Thomas d’Aquin, repris par le Concile de Trente. Comment avaient-ils été oubliés moins d’un siècle plus tard ?  Le P.Héry propose une explication qui renvoie dos à dos Luther et les jésuites, la  « sola scriptura » et « la sola ecclésia », l’interprétation par le seul fidèle ou par la seule autorité, car le texte lui-même a un sens qui ne dépend ni des uns ni des autres exclusivement.

Nous n’irons pas plus loin dans cette discussion qui n’intéresse pas directement notre propos.

Mais nous remarquerons que la querelle entre Galilée et ses juges se déroule comme l’on dit en langage militaire,  « à fronts renversés », les juges étant au final plus scientifiques que Galilée par leur exigence de preuves pour transformer une théorie en lois vérifiables et Galilée plus théologien que ses juges par les idées qu’il exprime au sujet du langage biblique et de son interprétation. Mais il faut ajouter que dans les deux cas, personne ne disposait des instruments adéquats. Ceux ci viendront plus tard, au siècle suivant, à la suite du travail des hommes de science et des exégètes.

 

Conclusion sur l’inquisition romaine

Nous la tirerons des remarques de Dumont, déjà formulées à propos des deux inquisitions étudiées précédemment.

Par rapport à ces deux grands exemples, l’inquisition romaine manque d’une structure stable et de personnels permanents compétents, c'est-à-dire théologiens de valeur et, eux-mêmes ou leurs conseillers, de culture scientifique approfondie.

Cette inquisition agit plutôt comme une commission, composée de cardinaux accaparés par leurs charges officielles. Cependant, ces cardinaux furent loin d’être unanimes contre Galilée. Le pape lui-même est intervenu efficacement pour sauver son protégé du pire.

N’oublions pas que le personnel d’Eglise à ce niveau est de haute culture et s’intéresse à tout ce qui est nouveau, même dans le domaine de la science. Nous  l’avons déjà perçu avec l’inquisition espagnole qui n’a pas suivi du tout le Saint Office romain dans ses interdits. Ceux ci furent rapportés au début du siècle suivant à la suite des découvertes de Newton, permettant d’apporter des preuves décisives à la validité de la théorie copernicienne.

La condamnation de Galilée fut une erreur mais on ne peut s’empêcher de le comparer à Copernic, modeste et discret, alors que tout le mérite de la théorie de l’héliocentrisme du système lui revient, d’autant plus que sa découverte repose sur des observations à l’œil nu, sans télescope, instrument qui n’existait pas à son époque.

Et l’attitude de Galilée nous rappelle une autre vérité : avoir raison ne suffit pas pour être vraiment convaincant pour les autres. Il y faut d’autres qualités que celles de la supériorité intellectuelle, réelle ou supposée.

Enfin, dans cette affaire, il y a quand même une interrogation concernant les polémiques de l’époque et leur présentation par les historiens. Personne, nous semble-t-il, ne met en avant chez le pape, comme chez les juges de Galilée le souci pastoral de protéger la foi des fidèles. Et pourtant, en demandant à Galilée de renoncer à présenter comme une certitude scientifique l’hypothèse héliocentique, c’est bien ce qu’ils recherchaient en priorité , ou du moins peut on le penser. Le P.Héry nous cite  le problème des relations protestants-catholiques, sans aller au-delà de la question du respect du texte de l’Ecriture. Mais respecter ou non la littéralité du texte de l’Ecriture devait être enjeu de foi pour beaucoup de fidèles à l’époque.

Après tout, le Christ n’est pas venu d’abord pour les savants, mais pour tous les hommes, quel que soit leur niveau de connaissances humaines. Les savants n’ont pas à scandaliser leurs frères avec leurs idées, même géniales, ce qu’avait compris Copernic, préférant laisser à ses successeurs le soin d’apporter les preuves scientifiques irréfutables, quand ils en auraient la possibilité.

 

 

            ANNEXE : Bibliographie établie à partir de Mr Dumont

 

N.B- en fait rassemblée par nous, car il n’en existe pas sous cette forme chez Dumont qui cite dans le texte ou dans ses notes

           

 

 

1) Bibliographie sur la période antérieure aux inquisitions et sur les ouvrages généraux à propos de « l’Inquisition ».

 

B1-Vacandard E.  « L’Inquisition. Etude historique et critique sur le pouvoir coercitif de l’Eglise »( Paris 1907 )

B2-Vieujan J.  « Apologétique ( Paris 1948 )

 Dumont-p.243,n.4 et 244 qui la continue. Ces deux auteurs qui pareillement devant l’Inquisition s’étonnent et souffrent, comme chrétiens  d’aujourd’hui (le mot est du second) font preuve d’une connaissance légère de leur sujet et il en appelle à deux autres grandes études de :

B3-Guiraud Jean « Histoire de l’Inquisition au Moyen Age » ( Paris 1935-1938 )

B4-Schäfer Ernst « Beitrage zur Geschiste ( ……) der Inquisition (1902 ).

C’est un historien luthérien dont l’étude sur l’Inquisition espagnole ruinait d’avance quantité d’imputations des deux premiers auteurs.

            En définitive,  « ils font preuve d’une ignorance stupéfiante des archives » comme le dit un théologien espagnol de Burgo

            Ensuite, Dumont consacre quelques pages aux intolérances juive  et musulmane qui prirent comme cibles les chrétiens pendant de longues périodes même si ce ne fut pas une situation permanente. Il prend appui pour ce problème sur les auteurs suivants :

B5-Jaubert Annie « Surgissement d’un peuple »Histoire vécue du peuple chrétien »

Dumont p.246,n.1

B6-Braudel Fernand, dans son ouvrage« La Méditerranée à l’époque de Philippe II »   cite le  «  grand ami des juifs » :

B7-Lucio de Azevedo  « Historia dos christâos novos portugueuses »( Lisbonne ) affirme qu’au seuil du 16éme siècle l’intolérance juive a été  «  certainement plus grande que celle des chrétiens » ce qui est sans doute trop dire, selon Braudel, qui ajoute que cette intolérance juive est cependant évidente.

B8-Americo Castro (de l’université de Princeton aux Etats-Unis) :  « La Realidad historica de Espana » -

Dumont p.248 Rien de comparable (à l’intolérance rabbinique vis-à-vis de leurs coreligionnaires fautifs contre la Loi juive) en Castille chrétienne au Moyen Age.

Quant à l’intolérance islamique qui s’exerce contre chrétiens et juifs, elle est patente à partir du XIéme siècle avec les deux dynasties almoravide puis almohade qui sont délibérément persécutrices.

B9-Palacios Miguel Asin « Abenmasara » ( Madrid,1914) :

Dumont p.249 n.2

« l’inquisition musulmane est une institution populaire qui fonctionne constamment pour la délation et la poursuite, indépendamment des tribunaux ordinaires »

            Et si l’inquisition espagnole n’a jamais connu l’auto da fe comme destruction de livres, on connaît une gigantesque opération de ce genre en 976 dans  l’empire musulman de la péninsule, après que toutes les bibliothèques, y compris celle du roi aient été expurgées de tout ce qui déplaisait aux théologiens musulmans les plus fanatiques.

En opposition à ces deux intolérances, une symbiose chrétienne acceptant de la religion païenne tout ce qui n’était pas pure idolâtrie et substituant par exemple des fêtes de saints à des fêtes païennes .

B10-Cervantès dans son livre  « Persiles et Sigismonde » décrit la fête castillane de la Monda comme une fête de la Ste Vierge ayant remplacé Vénus

B11-Delahaye Hippolyte dans ses  « Légendes hagiographiques » ( 1906 ) :

Tout ce qui ne comportait pas acceptation expresse du polythéisme était accepté par le christianisme sous réserve d’une saine et sainte interprétation.

B12-Pirenne Jacques « Les grands courants de l’histoire universelle »-

Dumont p.253 et n.1 qui le cite à propos des débuts du christianisme officiellement reconnu dans l’Empire romain :  « la pensée païenne a perdu tout dynamisme……..Toutes les valeurs sont révisées sous l’angle chrétien. »

            Et cela se fait sans persécutions vis-à-vis des païens ou des juifs, comme en avaient subi les chrétiens, sauf rares exceptions dont celle du royaume wisigoth en Espagne, contre les juifs. Voir :

B13-Katz Salomon :The Jews in the Visigotic …..Kingdoms of Spain and Gaul

 ( 1937)

Dumont p.253,n.2,qui explique ainsi la collaboration active des juifs avec l’armée d’invasion berbère musulmane au VIIIéme siècle ;et du moins au début de la domination musulmane, leur implication dans l’organisation d’un commerce d’esclaves chrétiens importés du centre Europe, les Slavons, au profit des califes.

B14-Manuel Juan (l’infant) Ecrivain castillan du 14éme siècle- « Libro de los estados,ou Livre des Etats »-

Dumont p.267 et n.1 qui le cite quand il affirme que la guerre entre maures et chrétiens ne vise qu’à la récupération des terres enlevées par les musulmans et absolument pas à une conversion forcée. Et Dumont de souligner que c’est l’idée fondamentale de la croisade, y compris en Terre Sainte.

B15-Aziz Philippe (chartiste musulman)-« La Palestine des Croisés »(1974 ed. François Beauval)

 Dumont p.267 et n.2. Cet auteur, Mr Aziz, fait état des témoignages réciproques d’estime  et d’amitié entre chrétiens et musulmans à l’occasion des croisades.

 

            Dumont conclut p.269 :l’inquisition n’est pas née d’une tradition chrétienne d’intolérance et de racisme. Car elle est née  successivement dans les pays de langue d’oc, puis en Castille, enfin à Rome, c'est-à-dire des pays où plus que par-tout ailleurs fleurissaient la tolérance et la fraternité interreligieuse, et interraciale.

 

 

 

 

 

2) Bibliographie sur l’inquisition en Languedoc Aragon

 

B16-Le Roy Ladurie Emmanuel –« Montaillou, village occitan,de 1292 à 1324 »

( Paris 1975, réed.1980)-

Dumont p.277 et n.1 : le continuum occitan-catalan

Dumont p.282 et n.3-le catharisme et ses facilités

Dumont p.290 n.1-les femmes répugnent au catharisme, qui veut les contraindre à l’avortement

Dumont p.292 et n.1-complicité de la plus grosse partie de la population avec les « envahisseurs »( les participants à la croisade des Albigeois ) en raison de l’influence de l’Eglise catholique, malgré la turpitude d’une partie du clergé. ce qui dément Michelet et Dominique qui voient la population majoritairement cathare.

Dumont p.298 et n.1-La contre offensive en pays dominé par les cathares est d’abord spirituelle par la prédication. Elle ranime les vertus théologales et morales dans la population et pour  maintenir les habitudes d’une vie chrétienne retrouvée, il y a création d’un quadrillage de confréries aidant à la pratique des sacrements et d’une charité active.

Dumont p.304 et 305 et n.1 p.304.Les dénonciateurs restent anonymes pour l’accusé et ses proches, pour empêcher représailles et chantage à leur égard ou à celui de leurs proches.

B17-Dominique Pierre-« L’Inquisition »(1969 )

Dumont p.312 n.1 constate que l’auteur, s’il mentionne l’arrestation de l’inquisiteur Robert dit Le Bougre en raison d’excès inadmissibles dans la répression,  « oublie » de préciser qu’il s’agit d’une décision pontificale et que la prison était aussi d’Eglise.

B18-Nelli René –« L’érotique des troubadours »( Toulouse,1963)-

Dumont,p.278 et n.1-Cet auteur se réfère au « Bréviaire d’amour »Anonyme fin des années 1000.

B19-Chelini Jean-« Histoire religieuse de l’Occident médiéval » ( Paris,1968 )-

Dumont p.282 et n.1 :  « la morale à deux étages du catharisme » dit cet auteur

B20-Guiraud Jean-« L’inquisition médiévale » ( Paris ,1928-réed.1978)

Dumont p.282 et n.2-le catharisme, le mariage, les relations sexuelles, le refus de l’enfant.

Dumont p.314 et n.1 et 2- le détournement de l’inquisition par l’autorité royale conduit à l’affaire des Templiers, avec procès truqué, aveux fabriqués et signés à la suite de tortures systématiques et prolongées et en finale le bûcher pour couronner un monument d’injustice. L’inquisition n’est là qu’un masque nominal pour obtenir la satisfaction d’un objectif crapuleux.

B21-Pernoud Régine-« Histoire de la bourgeoisie en France »( Paris ,1960 )

Dumont p.282,n.4                             

Catharisme apporté par les Lombards (Italie du nord) et se développant à partir des bourgs marchands de la région.

Dumont p.306 et n.2

Les jurys, invention de l’inquisition

B22-Vitry ( Jacques de )prédicateur et historien début XIIIéme siècle-

Dumont p.285,n.1

Le catharisme séduit par la promesse d’un salut facile et attire les faibles et

les luxurieux.

B23-Belperron Pierre-« La croisade contre les Albigeois »( Paris,réed.1967)

Dumont p.294 et n.1

Les Barbares de la croisade venue du nord ont empêché le Midi d’entraîner l’Europe dans la voie du progrès; mais Dumont rétorque qu’ils ont apporté les cathédrales gothiques et l’Université.

B24-Thomas d’Aquin-« Somme théologique I1-I1,q.11,a.3 »-

Dumont p.297 n.1-Pour Thomas, l’inquisition est substantiellement une réaction de défense de la société et non de l’Eglise qui, même en y participant, représente la miséricorde et la conversion d’abord. Et c’est bien ce qui s’est passé en Languedoc et en Espagne.

B25-Gui Bernard- (inquisiteur du Toulousain)-« La pratique de l’inquisiteur » (1320)

Dumont p.303 à propos des avocats de l’accusé conseille aux historiens de ne pas se limiter à B.Gui,car :

B26-Eymeric ( inquisiteur en Aragon ) –« Directoire pour l’inquisiteur »

Dumont p.303-Ce directoire exige que l’accusé ait un avocat. En fait, le jury était parfaitement en mesure de défendre l’accusé, mais l’accusé, selon Eymeric, devait être aussi défendu par un avocat.

B27-Lea Henry-Charles ( américain fort érudit )-« L’Inquisition au Moyen Age »,

traduit en français en 1899-1900

B28-Tanon L.magistrat français des années de la fin du XIXéme siècle-« Histoire des tribunaux d’Inquisition en France » ( 1893 )

Dumont p.306,n.1

            Dumont les juge tous deux animés de préjugés haineux contre l’Eglise catholique et remarque que Leroy-Ladurie ne les cite pas dans sa bibliographie de « Montaillou, village occitan », alors qu’il cite J.Guiraud et son « Histoire de l’Inquisition au Moyen Age »( 1935-1938 ).

Mais Dumont p.304 cite Lea comme reconnaissant que dans les archives, les allusions à la torture sont rares. Et, p.309 n.1, il relève que Lea constate la mansuétude du Saint Siège en Toscane en 1286 avec une amnistie générale de toutes les pénalités inquisitoriales.

 

3-Bibliographie pour l’inquisition espagnole

 

B29-La Motte Le Vayer-« Œuvres complètes- 1669-1684-T.II(pamphlets anti-espagnols)

Dumont p.486 n.1, le présente comme un exemple de « propagande », qui, exercée par la polémique anti-inquisition représente, selon Chaunu « l’arme cynique d’une guerre psychologique ». Ici, les pamphlets avaient été commandés par Richelieu.

B30-Guiraud Jean  « -Dictionnaire de l’apologétique de la Foi catholique- article Inquisition espagnole ».

Dumont p.486 n.2 : par ailleurs excellent spécialiste (voir plus haut dans biblio de l’inquisition en Languedoc ) reprend les chiffres totalement faux de Llorente, sans avoir étudié d’archives de l’époque.

B31-Braudel Fernand-« La Méditerranée …..à l’époque de Philippe II »

Dumont p.488 n.2 et 3 Pour Braudel, l’historiographie courante sur l’inquisition espagnole est un modèle d’information fallacieuse.

Dumont p.489 n.2-popularité de l’inquisition espagnole

Dumont p.496 n.1-les griefs des vieux chrétiens contre les convertis de fraîche date ne sont ni illusoires ni fallacieux.

Dumont p.511-Selon Braudel l’expulsion des juifs non convertis s’apparente à un processus de décolonisation vis-à-vis de l’Orient et de l’Afrique.

B32-Americo Castro-« La Realidad historica de Espana »(Mexico,1973)

Dumont p.489 et n.3 et 4 : le soi-disant racisme anti-juif de l’inquisition espagnole, dirigée par Torquemada, puis Deza, tous deux d’ascendance juive.

Dumont p.492 et n.1-les mariages entre espagnols et juives fréquents avant le 15éme siècle.

Dumont p.494 et n.2-oppression des vieux chrétiens par les nouveaux (ex-juifs) témoignage de Diego de Valera, cité par Americo Castro.

B33Gamero Martin A.-« Historia de Toledo » 1862

Dumont p.495,n.1-reprend le bilan des combats dans Toléde en 1467 entre vieux et  nouveaux chrétiens tel que donné par Gamero.

B34-Kamen Henry-(britannique)-« Histoire de l’Inquisition espagnole »

Dumont p.497 et n.1-les principaux polémistes anti-juifs étaient d’ex-juifs

Dumont p.501 et n.2 –  Kamen dit une contre vérité en affirmant qu’il n’y eut aucune action de prédication et de persuasion dans les deux ans de délais entre la décision papale de créer l’inquisition  et sa mise en œuvre.

Dumont p.503 –autre contre vérité quand il affirme qu’il n’y eut aucune amnistie, (appelée « habilitation générale »dans les textes) et que les Rois catholiques continuèrent d’imposer, suivant le règlement de 1484, les incapacités prévues aux condamnés.

Dumont p .504-l’incroyable faribole de Kamen affirmant que les « conversos »furent éliminés.

Dumont p.523-Kamen fait erreur sur les « familiers » de l’inquisition, non pas une police secrète d’espions délateurs, mais des personnalités, avec diplôme officiel, pris parmi les notables du lieu.

B35-Roth Cecil-(israélite)-« Historia de los marranos » 1946

Dumont p.498 et n.1-plus de porte de sortie pour les nouveaux chrétiens judaïsants

B36-Mendoza ( Gonzales de) –« Catéchisme pour la conversion des juifs »-1478-Séville

Dumont p.500 et n.2 –Preuve des efforts de persuasion pacifique entre 1478 et 1480 pendant les deux ans entre la création de l’inquisition et sa mise en œuvre.

B37-Bennassar Bartolomé (professeur à l’université de Toulouse)-« Inquisition espagnole » 1979,Paris.

Dumont p.501 et 503-Ne mentionne pas la période de grâce de deux ans avant la mise en œuvre de l’inquisition et de façon obscure  la grande amnistie de 1495-1497(voir Azcona ci-après )

Dumont p.504-« les conversos furent progressivement exterminés ».(voir ci-dessus Kamen) alors que l’on repére très bien encore au 17éme siècle un inquisiteur général le cardinal Sandoval, descendant de conversos, eux-mêmes connus.

Dumont p.531-L’auteur reconnaît beaucoup d’exemples d’accusés à qui leurs biens sont rendus.

B38-Azcona (Tarsicio de)-« Isabel la catolica,estudio critico » 1964,Madrid

Dumont p.501 n.3-amnistie générale 1495-1497 :les archives montrent clairement que le nombre de condamnés fut très inférieur à celui avancé par l’histoire anti-inquisitoriale et que la taxe perçue contre cette amnistie était  fort modeste.

Dumont p.512- n.2-Azcona rejette les estimations trop fortes du nombre de juifs expulsés faites selon lui sans souci de la documentation d’époque et recommande plutôt la lecture d’auteurs juifs qui ont travaillé sur les archives espagnoles.

Dumont p.518 –Donne des chiffres tirés du dépouillement d’archives pour l’estimation du nombre de condamnés au bûcher par l’Inquisition d’Espagne :quelques centaines de 1480 à 1504, règne d’Isabelle. Comparer avec Llorente ci-après.

B39-Guevara ( inquisiteur général au début du 17éme siècle).-« Relacion »1600

Dumont p.507 et n.1 Cet inquisiteur note qu’en Europe,on traite couramment de juifs les Espagnols , en partie sans doute parce qu’à Rome, pendant longtemps,  le clergé espagnol fut d’origine juive converso.

B40-Llorente ,premier historien de l’Inquisition espagnole-« Anales de la Inquisicion »(1812,Madrid) et « Histoire critique de l’Inquisition d’Espagne »

(1817-1818,Paris)

Dumont p.515 et n.1 et 2- Llorente donne pour les condamnés de l’Inquisition espagnole des chiffres énormes (341021 dont 31912 brûlés) à l’unité près,repris sans discussion pendant presque deux siècles et totalement sans fondement, comme cela a été démontré par G.Dufour en 1975.

B41-Miquel Pierre –« Guerres de religion »(1980 ,Paris)

Dumont p.522 n.4-Dumont lui donne tort quand il confond inquisition en Espagne et aux Pays Bas où elle n’est en rien espagnole et beaucoup plus dure qu’en Espagne ( témoignage d’un converso, proche de Charles Quint ,Gonzalo Perez.)

B42-Salazar y Castro-« Historia de la casa de silva » ( 1685,Madrid )

Dumont p.524 .La famille Meneses, de grand lignage, donne à l’inquisition des auxiliaires appelés « familiers » et tout à fait officiellement. Rien à voir avec une soi-disant police secrète de dénonciateurs aux aguets, mais des notables aidant les inquisiteurs à ne pas commettre de graves erreurs dans leur office, grâce à leur connaissance du milieu et leur autorité.

B43-Torquemada ( premier grand inquisiteur )-Instructions n°3,5,4,1

Dumont a traduit lui-même ces instructions peu connues, non plus que celles de Valdès, un autre inquisiteur. Cette ignorance  permet aux historiens anti-inquisition de dire ce qu’ils veulent  sur les procédures notamment,sans donner de  références.

 

Dumont p.528 n.1 ;529,n.1,2,3 ;530 ;531,n.1,2,3,4 ;532,n.1 à 6 ;533 n.1à 7 ;534 etc…..

Passage en revue de toute la procédure qui met en valeur les précautions pour éviter

les erreurs et pour traiter les suspects avec toutes les garanties d’une instruction rigoureuse et de sanctions ( éventuelles ) inspirées par la vérité mais surtout la miséricorde.

                        Ainsi le temps de grâce, les dénonciations et les dénonciateurs, la prudence dans l’enquête, la commission des théologiens qualificateurs, extérieure à l’inquisition, pour établir l’hétérodoxie des suspects, la communication à l’accusé des charges contre lui et des dépositions des témoins, l’administration des biens séquestrés, les prisons(très recherchées par les condamnés de droit commun pour leur « confort ») la confirmation des accusations devant des prêtres non inquisiteurs, la torture, rare, et entourée de précautions et garanties ….

…….etc……tout est détaillé jusqu’à la p.548 avec une grande abondance de références documentaires  incluant les Instructions des inquisiteurs généraux et donnant des témoignages concrets tirés d’archives de l’époque.

         Nous donnons ci-après d’autres auteurs que Torquemada et Valdès, mais de façon non exhaustive car Mr Dumont présente tellement d’auteurs, pas toujours espagnols d’ailleurs, que la richesse et l’abondance de sa documentation ne peut qu’être indiquée par une sélection aussi typique que possible.

B44-Satiago Montoto-« Sevilla en el imperio » 1938,Séville

Dumont p.529,n.3 –les faux témoins peuvent être envoyés au bûcher à titre d’avertissement pour des faux témoins potentiels. Exemple :à Séville en 1559, lors d’un « auto de fe » de luthériens.

Dumont p.541,n.1 le jugement est entouré de prudence; ainsi, le jury de jugement est constitué de trois inquisiteurs, de six consulteurs théologiens et de six consulteurs juristes. Les inquisiteurs sont en nette minorité.

B45-Garcia P.-« Orden de procesar en el Santo Officio »1628 ,Madrid

Dumont p.531 et n.2-Si l’accusé n’était pas inculpé d’hérésie formelle, à son arrestation, il laissait l’administration de ses biens à la personne de son choix. Ce qui dément encore Kamen ( plus haut )qui dit que toute arrestation entraînait la saisie immédiate des biens et ce que confirme B.Bennassar ( cité plus haut )

B46-Kayserling M.  « Revue des études juives » n°43, 1901-

Dumont p.532-n.2- le prisonnier de l’inquisition se consumait pendant des années, nourri de pain et d’eau, dit cet auteur.

Mais l’inquisition avait très peu de locaux et Torquemada, dans ses Quatrièmes instructions, prescrit l’assignation à résidence. S’il existait une prison, les pauvres et les malades en étaient dispensés. Voir p.533 tous les cas particuliers pris en compte par l’inquisition et p.534, la faveur dont jouissaient les prisons de l’inquisition par rapport aux prisons laïques.

            Quant à la durée effective des peines de prison,voir ci-après :

B47-Dominique Pierre-« L’Inquisition »( 1969)

Dumont p.543-L’auteur croit en la dureté et la durée des peines de prison à perpétuité et peines irrémissibles. Mais Dumont cite Kamen (lui aussi plutôt anti-inquisition) pour qui en fait, cela ne dépassait pas trois ans pour les premières et huit ans pour les secondes. Les termes et les formules cédaient devant la pratique de la charité et du pardon, inspirées par la confiance.

Dumont p.545,n.1-Les inquisiteurs espagnols, comme ceux du Moyen Age en Languedoc, rappelle Dumont, avaient la faculté de diminuer, commuer, ou même remettre entièrement les peines, excepté le bûcher.

B48-Ortiz Dominguez-« Autos de Sevilla »

Dumont p.544 n.1,4 et 5-Dès 1607, à Séville, et en 1655 à Grenade, les prisonniers étaient en liberté dans la journée et réintégraient la prison pour la nuit.



[1] Références :bibliographie B1, B2, B3……….B15

[2] Nous n’oublierons pas non plus que le XXéme siècle a connu des totalitarismes ouvertement anti-chrétiens

qui perdurent encore , et qui gouvernent par la terreur policière plus d’un milliard d’êtres humains. Leur bilan, qui n’est pas clos, a déjà accumulé des sommes incalculables de souffrances et de morts violentes, et pas seulement pendant la 2éme guerre mondiale. Nous comprendrons ainsi mieux que, tout en étant toujours en marche vers l’idéal évangélique, les chrétiens , collectivement, seraient plutôt en avance dans cette voie, même s’il est courant d’entendre dire qu’ils ne sont pas meilleurs que les « autres ».

[3] Rome vient de nous rappeler que contrairement à un relativisme qui tend à mettre sur le même pied toutes les

croyances religieuses,  le salut ne peut venir que par le Christ. Autre rappel :seule l’Eglise catholique met en œuvre l’intégralité des moyens de salut.  Autrement, comment justifier la « nouvelle évangélisation » lancée par Jean-Paul II ?

[4] Nous l’avons implicitement noté précédemment, ce qui deviendra le Roussillon français est alors partie intégrante de la Catalogne , elle-même rattachée au royaume d’Aragon .C’est pourquoi, nous le verrons plus

loin, Mr Dumont mentionne l’inquisition d’Aragon.

[5] Référence bibliographique : B18

[6] Histoire religieuse de l’Occident médiéval- Paris -1968.Référence bibliog. : B19

 

 

 

[7] On le voit bien encore aujourd’hui avec son combat permanent contre les facilités qui se répandent en détruisant, non seulement des vie humaines avant leur naissance, mais en détruisant les familles et petit à petit les fondements naturels de toute société humaine.

[8] Ref.bibliog. : B24

[9] Ref.bibliog. : B23

[10] Ref.bibliog. : B16, B20

[11] Rappelons que l’Aragon est partie prenante au Languedoc, le Roussillon français actuel en étant alors vassal . D’ailleurs, lors de la croisade, le roi Pierre II d’Aragon se porte à l’aide de Raymond VI, comte de Toulouse. Il est tué à la bataille de Muret.( 1213 )

[12] Ref.bibliog : B16

[13] Ref.bibliog. : B16

[14] Ref.bibliog. : B25, B26

[15] Ref.bibliog. : B21

[16] Ref.bibliog. :B16

[17] voir Dumont p.74 .En fait il s’agit d’une concession à son usage habituel par les justices laïques de l’époque et la modération de l’inquisition en ce domaine constituera sans doute le premier pas vers son abandon généralisé,

dans les affaires de justice, mais il est vrai des siècles plus tard.

[18] Ref.bibliog. :B17, B20

[19] ref.bibliog. : B29, B30

[20] mais aussi d’autres,qui comme Braudel (ref.bibliog. : B31) ont étudié la question à partir des archives espagnoles de l’époque,et Dumont les cite :Poliakov  (israëlite ) ; Bataillon ; Encyclopédie judaïque castillane ; E.Schäfer ; Beinart (israélite) Castro ( hispano-judéo-américain).Notre lecteur comprendra vite pourquoi ces références à des auteurs juifs.

[21] B32, B33

[22] Depuis 1270,le seul territoire de la péninsule aux mains des musulmans était le petit royaume de Grenade et le royaume de Castille incluait au sud Séville et Cordoue,à l’est Valence. Quant à l’Aragon,il avait rejeté les musulmans de Saragosse. Le mariage d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, préfigurant l’unité espagnole n’aura lieu qu’en 1469.

[23] ref.bibliog. :B35

[24] ref.bibliog. : B43

[25] ref.bibliog.B34, B36, B37

[26] ref.bibliog. :B38

[27] ref.bibliog. : B34

[28] id           B40

[29] id           B38

[30] id           B42

[31] ref. bibliog. : B44

[32] id            : B45

[33] id            : B46

[34] id            : B44

[35] ref.bibliog. : B47, B48

[36] Actes de l’université d’été 1999  « La Repentance » .Editions Renaissance catholique 2003

[37] Ne pas oublier bien sûr,pour la terre,deux autres mouvements,l’un sur elle-même (d’où  jour et nuit),l’autre qui voit son axe s’incliner sur sa trajectoire (d’où les saisons ).

[38] Comme Jos 10,13 :  « et le soleil s’arrêta………Le soleil se tint immobile……

[39] voir n. ci-dessus

 
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